« Il est indispensable de rapprocher formation initiale professionnelle scolaire et celle par apprentissage » (Daniel Vatant)

Par - Le 15 janvier 2018.

Alors que la concertation sur la réforme de l'apprentissage entre dans sa phase finale et que les Régions rencontrent aujourd'hui lundi 15 janvier le Premier ministre, le consultant et ancien conseiller ministériel Daniel Vatant [ 1 ] Conseiller technique en charge de l'apprentissage et de l'alternance sous la présidence Hollande, d'abord auprès de Thierry Repentin, alors ministre délégué à la Formation professionnelle et à l'Apprentissage, puis de Michel Sapin, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social. livre son regard sur les orientations qui se dessinent.

Le Quotidien de la formation : Le gouvernement envisage de transférer aux branches professionnelles les compétences régionales en matière d'apprentissage. Qu'en pensez-vous ?

Daniel Vatant : Ce transfert constituerait un pas vers une sortie de l'apprentissage du champ de la formation initiale, et donc du service public. Je ne suis donc pas en désaccord avec les Régions quand elles mettent en avant un “ risque de privatisation ". Ce projet soulève par ailleurs des questions importantes : la plupart des branches ne sont pas outillées pour prendre en charge ces nouvelles compétences, particulièrement au niveau régional. Et quid des formations à des métiers transversaux qui ne dépendent pas d'une branche en particulier ? Les Régions assurent leur rôle depuis 35 ans et, globalement, cela fonctionne. Elles veillent à la cohérence de la carte des formations sur leur territoire, en lien avec le tissu économique et le rectorat. Comment assurer cette cohérence sans elles ? Pour autant, je ne minimise pas le rôle des branches qui est indispensable. La concertation entre branches et Régions sur le sujet de l'apprentissage existe déjà, mais il faut travailler à son renforcement.

QDF : Quel est votre opinion sur les pistes explorées en matière de financement ?

D.V : Le gouvernement pousse pour une contribution unique qui financerait à la fois le contrat de professionnalisation et l'apprentissage. Cela est cohérent avec son souhait de confier l'apprentissage aux branches. Cependant, dans ce cadre, il faudra supprimer l'une des deux sources de financement actuelles : la taxe d'apprentissage ou la contribution professionnalisation des entreprises. L'hypothèse d'une contribution globale de 0,75 % de la masse salariale sur laquelle travaillerait le gouvernement a été répercutée par le journal Les Échos. Cela se traduirait par une baisse globale des moyens par rapport au système actuel.

QDF : Quels seraient les leviers de développement de l'apprentissage ?

D.V : Je ne suis pas favorable aux objectifs chiffrés, surtout lorsque ceux qui les affichent ne sont pas ceux qui les réaliseront. Car in fine, ce sont les entreprises qui décident ou non de la signature d'un contrat – elles sont moins de 10 % à former des apprentis aujourd'hui, les trois-quart étant des PME de moins de 50 salariés – et elles ne recrutent que si leur activité se porte bien. Un objectif pertinent serait déjà de dépasser ce taux de 10 % !

Ce qui importe, c'est d'avoir des jeunes bien formés. Il est indispensable de considérer la formation professionnelle initiale comme un tout et de favoriser le rapprochement entre ses deux modalités : scolaire en lycée professionnel et par apprentissage. Certains jeunes ont besoin de se frotter tout de suite à la vie en entreprise, tandis que d'autres se sentent plus sécurisés dans un cadre scolaire. Il serait judicieux de renforcer les possibilités de passerelles, en cas, par exemple, de rupture de contrat d'apprentissage ou si le jeune ne se sent pas à l'aise dans la voie qu'il a choisie. Beaucoup d'énergie est perdue en querelles.

Dans un raisonnement englobant la formation initiale professionnelle dans toute sa diversité, il me semble important que la taxe d'apprentissage continue de bénéficier à la fois à des formations en apprentissage et hors apprentissage. À l'origine, cette taxe a été créée pour financer “ l'apprentissage d'un métier " et non une modalité spécifique de formation. Or, la création d'une contribution unique ne finançant que l'alternance sous contrat de travail mettrait cela en péril.

Notes   [ + ]

1. Conseiller technique en charge de l'apprentissage et de l'alternance sous la présidence Hollande, d'abord auprès de Thierry Repentin, alors ministre délégué à la Formation professionnelle et à l'Apprentissage, puis de Michel Sapin, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social.