« C'est à la formation d'accompagner l'évolution émancipatrice de l'homme choisissant son avenir professionnel » (Charles Hadji aux Rencontres Mife)

Par - Le 24 septembre 2018.

Invité des rencontres nationales 2018 des maisons de l'information sur la formation et l'emploi (Mife), Charles Hadji, philosophe expert en sciences de l'éducation et en évaluation de pratiques, [ 1 ]Professeur honoraire à l'université Grenoble Alpes, s'est exprimé sur la question de la liberté de choisir son avenir professionnel. Non pas pour décrypter les articles de la loi éponyme, mais pour interroger le concept même de liberté de choix.

Sens de l'action sociale

Difficile d'imaginer une manifestation Mife sans que ne survienne un pas de côté, une incursion du côté des sciences de l'éducation, de la sociologie ou de la philosophie. Comme s'il fallait absolument puiser dans les sciences humaines et sociales quelque fondement qui vienne expliquer, justifier, valider le sens de l'action sociale au quotidien. « Charles Hadji, c'est le souffle de Lyon 2, un compagnon de Philippe Meirieu et de Guy Avanzini [ 2 ]Tous deux professeurs émérités du département des sciences de l'éducation à l'université Lyon II , un petit génie des sciences de l'éducation qui met la personne au centre », lance avec gourmandise Gaston Paravy, le président du réseau Intermife. Ce qu'il attend de ces compagnonnages ? Une certaine « 0justification anthropologique de nos didactiques ». Conscient des limites du réseau Intermife, il lance : « nous ne pouvons exister que par la puissance de la pensée ». En l'espèce, celle qui a donné naissance à la guidance professionnelle personnalisée, la méthodologie d'intervention des Mife fondée sur les histoires de vie. « C'est l'universalité de la guidance que nous avons introduite dans l'orientation des adultes, qui fonde notre autorité », estime-t-il. À l'invitation de Gaston Paravy, Charles Hadji est lui venu rappeler, au-delà des décryptages techniques, que la dernière loi de réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage porte une ambition qui ne va pas de soi : la liberté de choisir son avenir professionnel.

Liberté

Pour le philosophe, l'objectif gouvernemental d' « établir une société de l'émancipation par le travail et la formation » ne peut que résonner avec le principe même des Mife. Défendant une conception de la liberté inscrite dans le personnalisme d'Emmanuel Mounier, il évoque une « liberté de conquête » qui « ne se gagne pas contre les déterminismes naturels » : « elle se conquiert sur eux, mais avec eux ». Pour lui, la loi Avenir professionnel « exprime cette conviction que chaque homme doit pouvoir faire exister en (et par) lui ce mouvement de libération, en devenant capable de choisir son avenir professionnel ». Et « c'est à la formation qu'il appartient d'accompagner cette évolution alors émancipatrice ».

Projet

Poursuivant sa démonstration, il estime que s'il n'y a « pas à s'illusionner sur la liberté individuelle », il faut croire en la personne et ses projets. Reste qu'il ne saurait y avoir de « choix réel que dans le cadre d'un projet », insiste-t-il. Celui ci serait fonction de la « responsabilité de la personne, de la qualité de l'information dont il dispose et de la qualité de la formation dont il aura pu bénéficier ». C'est dans ce cadre que Charles Hadji en vient à défendre l'intérêt de la guidance, qu'il distingue du simple accompagnement. Celle ci n'est pas à prendre comme une démarche attentatoire à la liberté, mais comme la promesse d'une indispensable « médiation »individuelle et collective, aussi exigeante que bienveillante. Cette guidance est nécessairement universelle, en tant qu' « accompagnement gratuit », comme l'est le conseil en évolution professionnelle.

Guidance

En conclusion, la liberté de choisir son avenir professionnel lui apparaît comme un « droit à bénéficier d'une guidance intelligente » : « c'est-à-dire d'un travail de formation et d'orientation qui augmente pour chacun le nombre des choix réellement possibles en fonction de ce qu'il " est " réellement ». En ce sens, Charles Hadji voit une correspondance entre les Mife et « l'humanisme réaliste » défendu par Emmanuel Macron.

Notes   [ + ]

1. Professeur honoraire à l'université Grenoble Alpes
2. Tous deux professeurs émérités du département des sciences de l'éducation à l'université Lyon II